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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/124

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— Cette montre est infestée de folie, bien certainement.

Elle se pencha vers la paroi, où un clou à crochet assurait à l’objet horaire une suspension à l’abri des chutes.

— Je vois bien pourtant, onze heures trente-cinq. Il y aurait trois heures que je serais là, debout sur mes pauvres jambes… Oh ! oh ! Mable, ma chère, il est temps d’aller au lit

Une grimace interrompit la phrase.

La grosse dame abandonna la mèche rousse qu’elle s’efforçait de faire entrer dans son bonnet, et des mains descendirent le long de son torse massif.

— Oh ! oh ! gémit-elle, ce dîner est en vérité d’un schoking

Elle n’acheva pas. Sans doute le dîner se vengeait de l’exclamation peu flatteuse pour lui. D’un bond, Mable fut debout.

— À minuit, tout le monde est couché, fit-elle, encore.

Comme si cette réflexion l’avait décidée, elle prit nerveusement une petite lampe veilleuse accrochée à la cloison, puis marcha vers la porte.

Elle ouvrit, mais se rejeta en arrière en repoussant le battant.

Immobile comme une statue de pierre, elle avait aperçu un marin, l’arme au pied, baïonnette au canon, qui semblait monter la garde dans le couloir des cabines.

Ignorante des démarches de Masslliague, l’infortunée créature ne pouvait deviner la cause de ce déploiement de précautions militaires.

— Hélas ! geignit-elle, je n’oserai jamais me rendre où je dois, sous l’œil d’un factionnaire.

Par malheur, le dîner incommodant ne partageait probablement point la répulsion marquée par l’Anglaise à l’égard des sentinelles, car la patiente pâlit, essuya les gouttes de sueur perlent sur son front :