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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/171

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LES SEMEURS DE GLACE

— Oh ! rugit le Marseillais, vous pouvez parler de bon vent, troun de l’air ! Vous devriez dire tempête, ma caillou, tempête, cyclone, mistral, tramontane et tout le tremblement.

Cette fois, le Provençal n’exagérait pas.

La tempête soufflait sûrement dans le crâne des visiteurs. La rage se lisait sur leurs visages.

Coaljaca était vert de colère ; Massiliague et Marius, écarlates ; Gairon et Pierre, blêmes.

— señor, bredouilla enfin l’hôtelier, je ne vous cache pas que j’exigerai des dommages-intérêts pour cette fâcheuse plaisanterie.

Ça-Va-Bien ouvrit des yeux énormes.

— Quelle plaisanterie ? fit-il innocemment.

— Eh ! Vous le savez bien.

— Non, puisque je vous le demande.

— Le drapeau jaune…

— Quel drapeau jaune ?

La surprise simulée à souhait, le calme de l’ingénieur apaisèrent quelque peu les nouveaux venus.

Plus maîtres d’eux, Coaljaca et Massiliague le prirent par le bras, le menèrent à la fenêtre et écartant les rideaux, prononcèrent ce seul mot : Regardez !

Au dehors, fiché dans les crochets réservés au pavoisement de fête, flottait un superbe étendard couleur d’or.

— Tiens, murmura Jean, qu’est-ce que cela ?

— Le pavillon de la fièvre jaune.

L’ingénieur sauta en l’air :

— Vous avez la fièvre dans l’hôtel ?

— Eh non !

— Alors pourquoi ce chiffon ?

— On vous prie de le dire.

— Moi ? Vous rêvez. Vous pensez bien que ce n’est pas moi qui me suis amusé à planter cet oripeau sinistre devant ma croisée.

Ceci fut jeté avec tant de naturel que tous se regardèrent interloqués.