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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/181

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LES SEMEURS DE GLACE

ou dansent, et les cités, sans communications entre, elles, connaissent la famine, si leurs municipes n’ont pas eu la prévoyance de les approvisionner suffisamment.

Le Gapo ! Ce nom résonne lugubrement aux oreilles des habitants du pays. Le fleuve colossal déborde, couvre de ses eaux limoneuses les terres basses sur une superficie égale à plus d’un million de kilomètres carrés (deux fois la surface de la France). À perte de vue, la campagne est un lac, une mer, d’où émergent les sommets de rares éminences, ou les cimes des forêts.

Par les massifs boisés, par les coteaux, l’Amazone est subdivisée en une infinité de bras. Le fleuve atteint ainsi par endroits une largeur de 400 kilomètres, formant un immense dédale parcouru seulement par les gavials (sauriens du genre crocodile), les serpents aquatiques, et quelques tribus misérables d’Indiens ichtyophages, qui perchent sur les arbres.

Le Gapo, c’est le désert d’eau, le labyrinthe liquide, dont nul ne connaît les méandres, car ils varient chaque année.

S’y aventurer, c’est courir à sa perte, car on s’y égare fatalement et l’on succombe après une lutte plus ou moins longue.

Les Indiens Yucutes ont seuls l’audace d’errer dans ces solitudes, et encore errent-ils au hasard, pêchant, perchant et attendant, avec l’inaltérable patience des primitifs, que l’eau baisse, rentre dans le lit fluvial.

C’est à la fin du Gapo qu’ils se rendent compte du chemin parcouru.

De là la joie des nègres Bonis. À divers indices, ils reconnaissaient l’approche de l’inondation et ils se réjouissaient.

Trois mois de paresse, d’oisiveté, allaient commencer pour eux.

Or, ce soir-là, la nuit avait surpris le chaland à