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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/183

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LES SEMEURS DE GLACE

Pour la centième fois peut-être, Mlle Roland interrogeait la prêtresse, et celle-ci répondait complaisamment :

— Car, disait-elle, une chose, que je puis croire indifférente ou inutile, sera peut-être de nature à vous mettre sur la piste de cette sœur inconnue que vous cherchez.

Elle disait son enfance, sa vie dans le temple Incatl, au milieu de ses vingt compagnes, orphelines comme elle, de même qu’elle insoucieuses de la famille, dont jamais les prêtres ne les avaient entretenues.

— Nous nous croyions toutes issues du Soleil, notre dieu. Toutes nous répondions au nom d’Inca, précédé pour chacune d’un prénom symbolique. Ainsi moi, j’étais désignée sous les vocables de Ninnia Inca ; Ninnia signifie : Lumière Fleurie. Personne ne m’appela autrement, jusqu’au jour où le grand sacrificateur me manda devant l’autel du Soleil pour me charger de conquérir le gorgerin inca-atzec, qui est devenu le totem (étendard) des Sud-Américains.

— Et tu as accepté sans hésiter ?

— L’idée de résister pouvait-elle me venir ? Élevé dans le temple, ne sachant rien de la vie, n’ayant qu’une tendresse, le Soleil, il m’était impossible d’éprouver autre chose que de la joie à m’immoler pour lui.

La Jeune fille secoua sa tête mélancoliquement :

— Depuis, d’autres émotions ont fait battre mon cœur. Ce Canadien qui m’est dévoué comme mon ombre, ce Francis Gairon m’a révélé la tendresse en m’aimant. J’ai compris qu’en devenant Dolorès Pacheco ou Ydna, j’avais fait le sacrifice de ma jeunesse, de ma beauté, de tout ce qui est le sourire, le bonheur des autres ; mais j’ai juré sur la fontaine bouillante, dont le clapotement berce les fidèles du dieu. Et voilà pourquoi je le fuis ; voilà pourquoi je vais porter là-bas une victime résignée. J’ai perdu