Aller au contenu

Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
192
LES SEMEURS DE GLACE

simple échafaudage d’une maison en construction représenterait une fortune, si les bois dont il est composé étaient transportés dans l’ancien monde.

Depuis quinze jours, les voyageurs avaient élu domicile à la fonda Luisa.

Ils avaient admiré les chambres, luxueuses comme celle d’un yacht de plaisance, avec leurs parois de teck, leurs cheminées de veovedo, sorte de bois dur veiné de blanc, de vert et de bleu, et qui donne l’impression du marbre, dit Vert de Macédoine.

Puis c’avait été des promenades dans les rues bordées de jardins.

Puis enfin, on avait suivi les progrès de l’inondation.

À présent, la ville était une lie. De toutes parts, le Gapo l’environnait, et l’œil n’apercevait en tous sens, jusqu’aux confins de l’horizon, que la plaine inondée, de laquelle émergeaient des cimes d’arbres en îlots sombres.

— En voilà pour trois mois, avait dit Massiliague, il convient donc de s’esstaller le mieux possible, et de trouver le moyen de tuer le temps, hé donc !

Ah ! parbleu, l’insouciant Méridional s’en chargeait bien, de tuer le temps.

Sa verve, sa faconde, n’étaient point pour demeurer sous le boisseau. Au bout d’une semaine, tout le personnel, les hôtes de la fonda, le connaissaient, si bien que, le soir venu, alors que tous se réunissaient dans le Hablar, pièce qui correspond au parloir saxon, caballeros ou senoritas suppliaient, d’une seule voix, l’illustre señor Massiliague de leur conter une de ces histoires qu’il contait si bien.

Le Marseillais était bon prince. Il agissait avec vigueur et bavardait de même.

Or, le soir de ce quinzième jour de repos forcé dans Manaos, le hablar de la fonda Luisa était littéralement bondé.

En dehors de Stella et d’Ydna, près desquelles se