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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/209

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LES SEMEURS DE GLACE

— Nous nous égarerons ensemble.

— Se perdre, c’est mourir.

— Nous mourrons.

Un silence suivit. Enfin la prêtresse ouvrit ses bras à la jeune fille.

— Merci, ma sœur, dit-elle.

Un instant, toutes deux se tinrent enlacées. La première, Ydna-Dolorès dénoua son étreinte.

— Écoute, tu ne me connais pas encore. À toi, je veux tout dire. Je sais lire les annales du temple. Je paierai ma dette d’affection en te rendant ta sœur véritable.

Et la prenant par la main :

— Viens… le Soleil nous protégera.

Dix secondes plus tard, les voyageurs avaient pris place dans la pirogue.

Pagaie-d’Acier détacha les amarres, et, sautant légèrement sur la planchette d’arrière, saisit le long aviron qui servait de gouvernail à l’esquif.

Les rameurs se penchèrent sur leurs pagaies, et le canot, enlevé par leur effort puissant, s’éloigna de la rive en dépit du courant tumultueux.

Les eaux mugissaient.

Silencieux, éprouvant cet étourdissement qui accompagne toujours un bruit continu, auquel les oreilles ne sont pas accoutumées, Jean Ça-Va-Bien et Stella demeuraient immobiles, ayant l’impression confuse de tenter l’impossible, de braver un inconnu formidable.

Assise auprès d’eux, Ydna, les yeux obstinément fixés sur la colline de Manaos, qui peu à peu restait en arrière, semblait plongée dans un rêve douloureux.

Peut-être la prêtresse redisait-elle tout bas l’adieu que sa bouche avait exprimé à la fonda.

Peut-être implorait-elle le Soleil en faveur de ceux qu’elle fuyait.

Mais les pagayeurs, après avoir traversé le cou-