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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/242

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n’apparaissait pas comme une action blâmable. Ils tuaient pour vivre, de même que d’autres tiennent une comptabilité ou vendent des légumes.

Cependant les causeurs atteignaient l’entrée de la cabane. À ce moment, l’ingénieur se dressa devant eux. Sans un mot, ils tirèrent leurs couteaux ; mais le jeune homme parla :

— Laissez vos armes ; c’est moi, j’ai à vous parler.

Ils eurent un cri :

— Le petit ! Mister Jean !

Puis, curieux, Candi demanda :

— zé pensais que vous alliez en Colombie ?

— J’irai plus tard. Pour l’instant, c’est à vous que j’ai affaire. Peut-on parler ici en toute sécurité ?

— Oui, oui.

— Alors, écoutez-moi, comprenez-moi, je vous en prie.

Crabb et Candi, la tête basse, s’assirent à terre.

Jean resta debout.

— Par l’abandon de mes parents, commença-t-il, j’étais condamné à une existence précaire et misérable. Vous m’avez rencontré, et pour l’enfant que vous ne connaissiez pas, vous n’avez reculé devant aucun sacrifice.

— Cela est conforme à la vérité, by God ! s’exclama Crabb.

Quant à Candi, ce fut d’un accent voilé qu’il articula :

— Né t’occupé pas de cela : chacun, il prend son plaisir là où il le trouve.

— Ne pas me souvenir serait être ingrat, reprit l’ingénieur, et l’ingratitude est une lâcheté.

— Oune lâcheté !

— Certes. La reconnaissance crée des devoirs. Être ingrat, c’est se dérober au devoir, c’est refuser de payer sa dette, c’est renoncer à la responsabilité.

Les deux bandits se penchèrent en avant.

Ils tâchaient de distinguer le visage de leur fils adoptif.

Son entrée en matière les déconcertait. Ils ne savaient où il en voulait arriver et de leur ignorance, naissait pour eux une anxiété désagréable.