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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/312

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casse taillée par d’habiles artisans, donnaient à la salle un aspect d’élégance tout à fait inusité dans la république fédérale du Brésil.

Et sur la cheminée, reproduction de la cheminée des chevaliers de Pierrefonds, sculptée en plein cœur de bois de diverses essences ; sur les consoles, commodes, une profusion de bibelots qui eussent fait la joie des antiquaires.

Statuettes de Saxe, de Sèvres, de Delft, de vieux Rouen ; ivoires exquisement ajourés, bronzes de maître, marbres transparents ; il y avait une fortune dans cette pièce, une fortune en objets choisis avec un goût sûr.

Aux murs, quelques belles toiles complétaient ce réduit luxueux, consacré au repos du maître de l’hacienda de Amacénas.

Mais le señor gobernador Pedro ne regardait rien de tout cela. Plongé dans un fauteuil, l’air grave et triste, il interrogeait son frère.

Il lui ressemblait étrangement

C’était la même physionomie aimable, le même regard caressant. Seulement ce qui, chez l’un, n’était qu’un masque jeté sur les instincts de rapine d’un fauve, était, chez l’autre, l’expression d’un cœur droit, d’une âme éprise de justice.

— Olivio, fit le gouverneur d’une voix triste ; Olivio, ne vous êtes-vous pas étonné de me voir apparaître à l’improviste dans cette demeure ?

— Ma foi non, mon cher frère, repartit l’interpellé avec une audacieuse aisance ; chez moi, vous êtes chez vous. Votre présence ne saurait donc m’étonner. Je me réjouis simplement de la bonne surprise que votre affection m’a ménagée.

Pedro le considéra d’un œil surpris. Sur ses traits passèrent successivement des expressions de doute, d’espoir. Enfin, il reprit :

— Certes, je vous crois, Olivio. Je crois à votre affection, comme vous pouvez croire à la mienne. Mais vous ne comprenez pas ma question. Je vous demande si vous n’avez pas été étonné de me voir, en compagnie de don Atiepicaro, judice gera (juge général), le premier parmi les magistrats de l’Amazo-