Aller au contenu

Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/319

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Où il y a des milliards, glissa le juge général à l’oreille de l’avocat Marrini.

— Qui eussent fait très bonne figure dans les caisses de l’État, acheva le membre du barreau.

— Chut ! ne parlez pas ainsi. Il a failli sortir de là un casus belli avec le Pérou.

— Oh ! tout bas, mon cher maître, on peut parler sincèrement.

Olivio continuait Imperturbablement :

— Écœuré, rebuté, ce grand savant, — il m’est doux de rendre un hommage mérité à sa mémoire, — ce grand savant, dis-je, liquida sa situation ici et s’en alla à la Martinique.

Et d’un air mélancolique :

— Sans le savoir, le digne homme me condamnait ainsi aux plus cruels regrets. À cette époque, sa fille, la señorita Stella, avait treize ans.

Il adressa un tendre regard à la jeune fille.

— Déjà l’on entrevoyait en elle la beauté, la grâce, qu’elle possède aujourd’hui, et mon cœur s’était donné à la fillette, et je m’étais dit : la jeune fille sera mon épouse.

— Bon, murmura le général, voilà comment on fait un bon mariage. On s’est connu enfants, on s’est apprécié, l’habitude des concessions réciproques, est prise.

— Parfaitement, consentit Arichiza.

— Depuis son départ, continua Olivio, j’ai travaillé sans relâches non que j’aime l’argent ; mais je voulais une fortune digne de ma tendresse. Enfin, je crus avoir atteint un chiffre convenable, je partis avec mes fidèles employés et intéressés.

Il désigna ses lieutenants du geste.

— Je tenais, à ce qu’ils pussent corroborer mes dires. Quand on aime, on est timide, on craint sans raison.

— Voilà qui est vrai, susurra encore le général ; figurez-vous, juge, que lorsque j’avais dix-huit ans…

— Écoutez, écoutez,

À cet avertissement lancé par le judice geral, le guerrier se tut.

— Mes craintes étaient chimériques, M. Roland