— Des folles.
— Tomaso est ivre.
Mais l’orateur frappa la table du poing avec tant de force que plats, bouteilles, gobelets, sautèrent, grelottant comme sonnettes secouées.
— Je dis que nous sommes coupables d’impolitesse.
Un éclat de rire général ponctua cette déclaration.
— Impolis, nous, est-ce possible ?
— Où diable. Tomaso va-t-il chercher cela ?
Le géant couvrit toutes les voix de son organe tonitruant :
— Que doit faire un caballero, lorsqu’il vide flacon en présence d’une señora ?
— Parbleu ! il boit à sa santé, glapirent les autres.
— Il doit, rectifia Tomaso avec l’entêtement doctoral de l’ivresse ; il doit dire : que la sainte Madone vous maintienne en fraîche beauté ! Voilà le vœu galant qui fait reconnaître que l’on n’est pas du commun.
— Un bravo pour Tomaso !
Toutes les mains battirent, tandis que les pieds frappaient le sol en cadence, ce qui produisit un infernal charivari.
Mais l’athlète gronda comme un bison en furie :
— Silence ! stupides garçons, silence ! Laissez parler celui qui cherche à vous enseigner les belles manières.
Les rires redoublèrent.
— Parle, Tomaso, parle.
— Eh bien, mes chers amours, des amours qui ont des langues bavardes de corbeaux, je vous convie à vider vos verres à la señora.
— Quelle señora ?
— Tomaso a l’eau-de-vie tendre.
— Il nous prend pour des señoritas.
— Je vous prends pour des buses et des orfraies, hurla l’interpellé. Depuis quand supposez-vous que l’on puisse confondre le soleil avec une vile motte de terre ? La señorita dont je parle et aussi jolie que vous êtes laids.
Son talon heurta rudement le dallage.