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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/343

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t’adresse une prière, laisse-nous t’escorter jusqu’à ce que tu sois en sûreté ; après, nous nous éloignerons si tu l’ordonnes.

Et comme elle gardait le silence, l’âme doucement bercée par cette voix qu’elle avait cru ne plus jamais entendre.

— Où souhaites-tu que nous te conduisions ?

— À la ville la plus proche, dit-elle, d’un accent troublé. Avant d’aller plus loin, je veux être assurée que Stella est libre et à l’abri de tout danger.

— À Sao-Domenco alors ?

— Oui, à Sao-Domenco.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Dans la spacieuse salle à manger, où les pankas (panneaux éventails fixés aux murs ou au plafond), actionnés par des peones, rafraîchissaient l’atmosphère, les vins de Champagne, de France, du Rhin et de Hongrie avaient coulé, mettant les convives en gaieté.

Du gouverneur au général, du judice geral aux juges companieros (juges adjoints), tous se montraient enluminés, hilares, et dans une disposition d’esprit à acquitter… le crime lui-même, s’il se fût trouvé à cette heure sur la sellette des accusés.

Des lampes électriques — le courant du rio Jurua fournissait l’électricité nécessaire à l’hacienda — éclairaient la table couverte de fleurs et de fruits ; mais les ampoules de verre, où flamboyait le serpentin incandescent, avaient doubles parois. Entre les deux, de l’essence de rose, doucement échauffée par la chaleur que dégageaient les serpentins, répandaient par des trous imperceptibles, forant leur surface extérieure, un parfum délicieux.

Au milieu de la table, Olivio présidait.

En face de lui se tenait Stella, dont la pâleur semblait s’être accrue, dont les yeux fiévreux étaient cernés d’une meurtrissure brunâtre.

À côté de la jeune fille, Alcidus Noguer mangeait et buvait comme quatre.

De loin en loin, il parlait à l’oreille de la jeune fille, et Olivio le remerciait du regard.

Vraiment, le redoutable chef de la bande du Poison