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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/367

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saient le cake-walk ou la bourrée parisienne. On avait l’impression, chez lui, quand on se jetait dans un fauteuil, de s’asseoir sur un ami, tout plein d’esprit, eh donc.

Par malheur, l’homme n’est point parfait ; mon digne spirite de cousin faisait danser les écus encore mieux que les meubles.

De là, des dettes, que l’on accuse d’être criardes, sans doute parce que les créanciers crient plus fort que les autres, ma caille.

Et la plus criarde, c’était… son propriétaire. Il lui devait un nombre de termes que je n’ose pas dire. Vous qui n’êtes pas de Marseille, vous ne pourriez pas y croire.

Bon. Un jour, ce propriétaire se présente chez Malifousse avé un huissier.

L’huissier, mauvaise plante qui porte des feuilles… de papier timbré, dit :

— Monsou Malifousse, pouvez-vous payer ?

— Oh ! que non, mon pitchoun.

— Alors je saisis vos meubles, bagasse.

— S’ils y consentent, faites, mon digne Monsou.

Et l’huissier se met en devoir d’opérer.

Mais, va te faire lan laire, à peine a-t-il commencé son inventaire, que le mobilier se met en mouvement, pécaïre, que l’on aurait dit un bal à la préfecture.

La table lève les pieds vers le dos de l’huissier et le botte.

Le buffet le giffle, de ses panneaux brusquement ouverts.

Le coffre à bois, devenu subitement furieux, s’ouvre comme une gueule et fait mine de l’avaler.

Bref, le povre, éperdu, terrifié, se sauve et court encore.

Malifousse riait aux larmes.

Mais le propriétaire était entêté. On ne saura jamais comme un propriétaire s’entête à se faire payer. Ces gensses-là ont un amour de l’argent, incompréhensible pour ceux qui doivent le verser.

Bref, cet homme avide soudoya le domestique de mon cousin, et un beau jour, que Malifousse était allé flâner vers le Prado, on saisit chez lui, on mit les