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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/368

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scellés, et rascasse, dernière ironie, on le nomma gardien de ces scellés.

Il semblait que le débiteur était vaincu. Gardien des scellés, il ne pouvait distraire la moindre chose sans tomber sous le coup de poursuites judiciaires.

C’était là une opinion vulgaire, mon bon. Quand on a de l’esprit, que l’on est spirituel et spirite, on ne reste pas court pour si peu.

Le lendemain, Malifousse allait trouver un juge et lui disait :

— Monsou le juge, je suis embarrassé.

— Pourquoi, mon ami ?

— Je suis gardien des scellés, chez moi.

— Eh bien ?

— Eh bien, supposez que le mobilier, il veuille aller en promenade, que dois-je faire ?

Le magistrat le regarda en souriant :

— Vous voulez déménager à la cloche de bois ?

Mon cousin leva les bras vers le plafond qui lui cachait le ciel, et avec indignation :

— À la cloche de bois, Monsou le juge, c’est déménager à l’insu du propriétaire et sans le solder. Je ne peux pas le solder, c’est vrai ; mais je l’ai prévenu, ce matin même, que mes meubles me semblaient d’humeur vagabonde et qu’ils manifestaient le désir de s’en aller tout seuls.

— Qu’a-t-il dit ?

— Il a ri.

— Il a bien fait.

— Vous n’êtes pas spirite, Monsou le juge ?

— Non, pas le moins du monde.

— Alors j’esscuse votre réponse, mais je vais vous dire.

Et, tranquillement, Malifousse reprit :

— Je crois que le mobilier, il peut se déplacer, eh donc !

— Sans aide ?

— Sans aide, oui, Monsou le juge. Si cela arrive, je vous demande la conduite à tenir ; car enfin, je ne puis être responsable d’une fantaisie du chêne, de l’acajou, thuya, palissandre, bois de rose ou ébène, pas vrai ?