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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/411

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Les inséparables bandits l’atteignirent en même temps.

À leur voix, la captive se leva, rejeta son capuchon en arrière et apparut si belle, si touchante, qu’un cri de pitié s’élança de l’âme du peuple :

— Grâce !

— Grâce si la garrotta refuse de fonctionner ! rugit Olivio ; grâce dans ce cas seulement !

Si violent fut son accent, si autoritaire son altitude que la multitude, dominée, se tut.

Cependant, appuyée sur les « pères de Jean », Stella avait réussi à quitter le chariot de justice. Lentement, elle se rapprochait de l’échafaud.

Comme tout à l’heure, personne ne parlait, on ne respirait plus.

La moitié du chemin était franchie. Rien ne se produisait.

Est-ce que la Madone abandonnait sa protégée ? Est-ce que cette jeune fille, dont la beauté venait de conquérir le cœur du populaire assemblé, allait succomber ?

De ces Questions angoissantes, que chacun se faisait tout bas, résultait un malaisé indéfinissable.

— Il faut être des maudits pour mettre à mort si gente señorita !

C’était toujours la même voix de femme qui lançait ces apostrophes dont la foule frissonnait.

Et vraiment, on eût pu croire que cet Organe, clair, vigoureux et musical, commandait aux événements, car les dernières résonances de la phrase s’étaient à peine éteinte que, sur l’estrade de la garrotta, jaillit le même faisceau d’étincelles que tout à l’heure auprès de la mule.

Kasper, Cristino tombèrent à la renverse.

En même temps, les bois de justice pétillaient, criaient, se fendaient ; les montants de la lunette à étranglement se brisaient comme verre ; la lunette, précipitée du sommet, rebondissait sur la plate-forme et roulait sur le pavé.

À cette vue, l’enthousiasme du peuple ne connut plus de bornes. La destruction de la garrotta, là, sous ses yeux, destruction inexplicable par les procédés humains, devenait un miracle manifeste.