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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/417

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Aujourd’hui le blockhaus était abandonné, mais ses murailles, faites de troncs d’arbres à peine équarris, avaient résisté au temps, et son quadrilatère ligneux demeurait capable d’abriter encore une garnison.

Seule la toiture de branchages et de paille avait cédé en plusieurs endroits, ouvrant ainsi des lucarnes, imprévues, à travers lesquelles on distinguait l’indigo profond du ciel constellé d’étoiles.

De viande séchée, arrosée d’un peu d’eau fraîche, les voyageurs avaient dîné. Maigre repas sans doute, mais dont personne n’avait songé à se plaindre, tant leur préoccupation morale les laissait indifférents aux désagréments matériels.

Assis sur des rondins de bois, ils causaient.

— Alors, señor Jean, demanda le gouverneur, vous possédez seulement quatre de ces globules d’air liquide, grâce auxquelles vous avez pu sauver Mlle Stella, ce dont je me félicite aujourd’hui.

— Oui. Quatre seulement. Si précipité a été notre départ, si confuses les heures qui l’ont précédé, que je n’ai eu ni le loisir, ni la pensée, d’envoyer renouveler les provisions à l’endroit où est cachée notre réserve.

— Bah ! intervint Scipion, il suffit de deux boules : l’une pour geler la fontaine, l’autre pour glacer le drôle. Vous avez donc de quoi vaincre deux fois, mon bon.

Jean eut un sourire.

— Cela est vrai, parce que notre ennemi ignore ce détail.

— Oh ! quand il le saurait…

— Il dresserait sous nos pas des pièges tels, que je serais obligé de faire usage de l’air liquide.

Té ! Et quatre pièges réunis…

— Nous serions désarmés.

La constatation n’avait rien de réjouissant. Tous les visages s’étaient assombris ; ce que voyant, Massiliague se tourna vers Mlle Roland.

— Té, mademoiselle, vous trouvez pas inconvenant de manquer d’air liquide, quand il y a tant d’air tout autour de nous.