détendit, produisant, comme à l’ordinaire, un froid terrible. La surface de la rivière se congela instantanément, formant une croûte glacée assez solide pour que nous traversions le cours d’eau à cheval[1].
Jean poussa un cri de triomphe.
— Ah ! ma chère Stella, vous devenez ingénieur des ponts et chaussées… frigorifiques. Ne perdons pas un instant. Vite, amis, au large, je vais renouveler l’expérience du noble savant que nous pleurons.
Ni incrédules, ni curieux, tous reculèrent d’une cinquantaine de pas.
Fouillant dans son bissac, le jeune homme en tira une sphère bleue.
Un instant, il la balança en l’air, puis d’une brusque détente du bras, il la projeta sur la berge opposée.
Un claquement léger se fit entendre, une gerbe d’éclats de verre jaillit du sol, ainsi qu’une fusée d’étincelles.
Mais, en même temps, un voile parut s’étendre à la surface du rio, l’eau devint plus foncée, prit une consistance sirupeuse, des cristallisations de glace se formèrent, craquetèrent, s’agglomérèrent. En trente secondes, une nappe solide, unie, dont la tranche mesurait plus de dix centimètres d’épaisseur, s’étendit d’une rive à l’autre.
— En avant ! commanda l’Ingénieur.
Et, prêchant d’exemple, il s’engagea le premier sur le pont de glace.
Un instant plus tard, tous avaient franchi sans encombre le passage difficile, et le gouverneur, stupéfait, murmurait :
— Mais cet air liquide révolutionnera le monde.
Jean s’inclina :
— Je le crois, señor. Je vous développerai, en d’autres circonstances, ma théorie à cet égard.
— Pourquoi pas tout de suite ?
- ↑ Cette curieuse expérience a été faite par M. Prosper Largeret, aux abords de la forêt de Lyons (Seine-Inférieure), sur l’un des affluents de l’Andelle. Un chariot passa sur la glace, qui persista durant vingt minutes.