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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/432

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Dans la chaumière, Olivio était assis en face du maître de ce logis écarté, un homme maigre, miné par la fièvre, la peau collée aux os.

— Ainsi, mon pauvre Bartolomeo, la contrebande ne va plus ?

— Non, señor.

— Je vous ai cependant secourus de mon mieux. Mon hacienda était à votre disposition. Vous y cachiez vos marchandises, en attendant le moment de les expédier vers l’Atlantique.

— Les autres hacienderos n’étaient pas aussi braves que vous, señor ; ils craignaient de se compromettre, si bien que de ceux que vous avez obligés, un seul vous garde encore de la reconnaissance.

— Cela suffit ! oublions les ingrats.

L’homme secoua la tête avec énergie.

— Il n’y a pas d’ingrats, señor. Si les camarades ont oublié, c’est qu’ils sont morts.

— Morts, tous ?

— Tous, les armes à la main, en se défendant contre les caïos do frontera (troupe spéciale, affectée au Pérou à la répression de la contrebande sur la frontière).

Olivio demeura muet. Non qu’il s’émût du sort des malheureux qui avaient succombé, mais il songeait que la misère de son interlocuteur allait le servir.

— Bartolomeo, reprit-il tout à coup, as-tu de quoi me rafraîchir ?

— Pour vous, señor, j’aurai toujours du vin de palme, rose comme le ciel au lever de l’aurore.

— En possèdes-tu beaucoup ?

— Plus qu’il n’en faut pour apaiser votre soif.

L’haciendero eut un mouvement d’impatience.

— Réponds à ma question. As-tu trois gourdes de vin de palme ?

L’ancien contrebandier hésita une seconde, puis se décidant :

— Pour vous, oui.

À cette réplique, Olivio se frotta joyeusement les mains :

— Eh bien, Bartolomeo, je te les achète.