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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/435

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bandits ne manquent jamais à la foi jurée sur leur salut. Il tendit la main à Bartolomeo :

— Alors, je pars tranquille. Deux heures de repos sont suffisantes pour permettre à mon cheval d’achever la route.

Au moment de monter en selle, il dit encore :

— Tes hôtes dormiront longuement, très longuement. On est si bien quand on dort que, parfois, on ne veut plus se réveiller. S’ils agissent ainsi, tu pourras, sans crainte, les décharger des objets de valeur qu’ils portent avec eux.

Derechef, une rougeur ardente colora l’épiderme jauni de Bartolomeo.

— Si quelques onces d’or se joignaient à ce que je possède, grommela-t-il, je pourrais me risquer jusqu’à la ville d’Iquitos. Il y a là des maisons de jeu. Qui sait ! La chance me doit une revanche.

L’haciendero ne l’écoutait plus. Ferme sur ses étriers, il consultait son téléphonomètre.

— Malédiction ! fit-il brusquement. Les enragés ont réussi à traverser le rio ; ils ne sont pas à plus de quatre kilomètres.

Et rendant la main :

— Adieu, digne Bartolomeo. Souviens-toi !

Bientôt un détour de la sente le cacha aux yeux du pauvre hère, dont il venait d’acheter la conscience.

Bartolomeo était resté adossé à l’encadrement de sa porte, et il demeurait immobile, le cou tendu, comme un fauve à l’affût.

Un quart d’heure s’écoula ainsi. Il se redressa :

— J’entends les chevaux, allons, un papelito.

Il rentra dans la cabane, alluma une cigarette roulée dans de la paille de maïs, vida jusqu’à la dernière goutte la gourde que son hôte avait à peine entamée, puis revint à son poste d’observation.

Bientôt la petite troupe de Pedro se montra.

Jean, qui, selon sa coutume, marchait en avant, arrêta son cheval à hauteur de Bartolomeo :

— Les grâces soient sur toi, homme, dit-il, employant la formule de politesse usitée au Pérou.

— Et avec ton esprit, étranger, répliqua placidement le contrebandier.