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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/434

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— Sais-tu ce que j’ai fait là ? demanda-t-il.

L’interpellé haussa les épaules.

— Pas difficile à deviner. Vous avez gâché une excellente boisson qui eût fait le bonheur d’un brave.

— Gâché ? dis-tu.

— Oh ! ne vous fâchez pas. C’était votre droit. Vous êtes trop généreux pour que je vous critique. Mais enfin, le vin de palme ne vaut plus rien, lorsque l’on y a versé le sommeil ou la mort.

— Mettons le sommeil, mon brave.

— Je veux bien, señor.

— Et te doutes-tu pourquoi j’ai agi ainsi ?

— Pour cela non.

— Je vais te le dire.

La face de Bartolomeo se plissa de mille rides. C’était probablement sa façon de rire.

Saisissant un escabeau, il s’approcha de la table, s’assit et présenta à son hôte un visage attentif.

— Des ennemis me suivent, commença Olivio.

Le contrebandier fit signe qu’il comprenait

— Ils vont s’arrêter ici, t’interroger, te demander si tu ne m’as pas vu.

— Et je répondrai ?…

— Que je suis passé depuis une heure à peine, que mon cheval semblait exténué, et que, bien sûr, il ne me portera pas loin.

— Bon !

— Tu leur offriras de se rafraîchir.

— Avec cela, ricana l’homme, étendant la main vers les gourdes.

— Oui.

— C’est bien le sommeil qu’elles contiennent ?

Olivio ne répliqua point, mais il mit sur la table une nouvelle poignée de pièces d’or.

À cette vue, le contrebandier jugea inutile d’insister. Il empocha la manne dorée et résolument :

— Je leur offrirai à boire.

— Tu le promets ?

— Je le jure sur mon salut éternel.

Le serment eût provoqué l’hilarité du voyageur peu au courant des mœurs du pays ; mais Olivio de Avarca ne sourcilla pas. Il savait que les plus féroces