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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/59

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mettre sous la protection de quelqu’un, de quelque chose, et tout naturellement, sans comprendre qu’ainsi il paralyse l’initiative privée et strangule la liberté, il tend des mains suppliantes vers… le gouvernement. Comme si le pouvoir avait mission de réagir contre les volcans !

Donc, Fort-de-France présentait une animation inaccoutumée. Dans les rues, sur les quais, aux abords de la ville, vers Case-Navire et le Lamentin, se dressaient des campements de gens apeurés. Charrettes, chiens, ânes, animaux domestiques de toute espèce, cages à poules, encombraient les trottoirs, les chaussées. Et tout cela criait, gémissait, pleurait, caquetait, glapissait sous le ciel plombé, obscurci par de fréquentes averses de cendres ténues, amenées par le vent de la montagne en éruption.

Agents de la police locale, escouades de soldats, circulaient à grand’peine à travers la foule, encourageant ceux-ci, admonestant ceux-là.

Autour de la résidence du Gouvernement, des groupes désolés stationnaient ; parents éperdus, attendant des nouvelles d’êtres chers en résidence à Saint-Pierre, demandant à grands cris la permission d’aller rechercher leurs morts, se répandant en plaintes amères contre le sous-gouverneur qui interdisait l’approche de la cité engloutie, qui contraignait prudemment les affligés à attendre que le croiseur Suchet, envoyé là-bas, revint annoncer que les abords du mont Pelé pouvaient être parcourus sans danger.

Sur les quais du port, c’était autre chose. Des Martiniquais, talonnés par la peur, ivres d’épouvante, s’efforçaient à prendre de vive force les bateaux pour fuir, s’éloigner de l’île maudite.

Et les soldats, tout pâles, les yeux humides, croisaient la baïonnette devant ces malheureux, les protégeant de vive force contre la folie de la terreur.

Or, l’un des points où l’agitation se manifestait le