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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/60

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plus vivement, où les vociférations sonnaient le plus haut, était la partie du quai devant laquelle stationnait un grand steamer au pavillon mexicain. Sur le bordage du navire on pouvait lire ce nom : Madalena, et les cheminées peintes de bandes alternées, vertes et blanches, indiquaient aux fuyards qu’ils se trouvaient en présence d’un vapeur de la compagnie mexicaine du Sud, la Vera-Cruz-Chili, desservant les principaux ports du Venezuela, Brésil, Uruguay, Argentine et Chili.

Pour éviter l’assaut des apeurés, la passerelle avait été retirée ; une section de marsouins tenait le populaire au large, opposant une douceur compatissante, une patience apitoyée, aux invectives furibondes.

Et, par instants, ils avaient un réel mérite.

Lorsque des passagers, régulièrement inscrits, se présentaient, munis de leur billet de classe, les rangs des troupiers s’ouvraient ; la passerelle, actionnée par des matelots du Madalena, venait affleurer le quai.

Aussitôt une bousculade se produisait.

La foule tentait de suivre les élus qu’elle enviait, et il ne fallait rien moins que la pointe acérée des épées-baïonnettes, les avertissements menaçants du lieutenant commandant la section, pour décider les furieux à la retraite.

— Mistress Elena Doodee, cabine 2.

— Miss Mable Nice, cabine 4.

Ces deux phrases furent prononcées par deux dames, dont le rapprochement formait une vivante antithèse.

La passagère de la cabine 2, menue, frêle, élégante, blonde, délicieuse petite poupée frisée, sautillante, souriante, comme la race anglo-saxonne en met parfois en circulation.

La propriétaire de la cabine 4, grande, haute en couleur, de formes extra-opulentes, déambulant