Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/111

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Celui-ci, brun, la tignasse noire, les épaules larges, s’empressa aussitôt autour de son nouveau maître :

— Si Monsieur le désire, je pourrais brosser ses habits, tandis qu’il passerait dans le cabinet de toilette. J’ai préparé un bain…

— Un bain ! — avec son accent il prononça : bainne — s’exclama Scipion ravi de l’attention. Vé, ça n’est pas de refus.

— De plus, je suis masseur, Monsieur n’aura qu’à m’appeler…

— Un massure à présent, mais je vais être un coq en pâte !

Scipion se préparait à entamer une de ces brillantes improvisations dont il avait le secret, mais l’attitude de Marius lui fit perdre le fil de sa harangue.

Son valet de chambre improvisé le considérait avec des yeux ravis, la bouche ouverte en O admiratif :

— Eh bagasse ! qu’as-tu, mon brave ?

— L’émotion, Monsieur me pardonnera…

— Quelle émotion ?

— L’accent de Monsieur.

— Mon accent ?

— Avec tout le respect que je dois à Monsieur, son accent me rappelle celui de mon père.

Sans hésiter, Scipion répliqua :

— Mazette ! il avait une jolie prononciation, ton père !

— Oh ! oui, appuya Marius, d’un ton convaincu. Il est vrai qu’il était né dans une ville dont il était fier, une ville qu’il déclarait être la première du monde.

À ces mots, Massiliague sursauta et sèchement :

— La première ville du monde, c’est Marseille, mon bon.

— Justement, c’est Marseille qu’il la nommait.

À son tour, le « champion » se sentit ému. Rencontrer un fils de Marseillais à l’autre bout de la terre, l’avoir précisément pour domestique, cela dépassait les limites des prévisions humaines.

— Alors, tu serais presque mon compatriote ? fit-il doucement.

— Si Monsieur le permet, car il n’existe pas deux villes du nom de…

— De Marseille, deux villes, jamais, interrompit Scipion avec impétuosité, puis d’un ton plein d’onc-