Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/114

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le Musonic-Temple, immense maison de vingt-quatre étages, qui contient un théâtre, des salles de réunion, des clubs, etc.

Avec une facilité, dont Marius, compagnon obligatoire de toutes ses sorties, s’étonna quelque peu, il s’extasia sur Chicago, reconnut avec les demoiselles que c’était là la plus brillante cité du globe ; il loua sans réserve l’hôtel Auditorium, le plus vaste du monde, avec ses mille chambres dont la moins chère coûte deux dollars par jour, avec son hall central, où sur d’innombrables rocking-chairs, d’innombrables Américains se balancent en mâchonnant leur chewing-gum.

Il déclara que le coiffeur de la maison, qui prend environ onze francs pour une coupe de cheveux et un shampooing, était trop modéré dans ses prix et devait perdre sur son savon.

En un mot, il avait évité toute occasion de contrarier en quoi que ce fût ses chers hôtes.

Tous ne juraient plus que par lui ; songez donc, un homme qui a l’enthousiasme sans trêve pour l’Amérique, les Américains, les Américaines, et qui le proclame d’une voix bien timbrée, dont les vitres résonnent et que les passants s’arrêtent pour écouter.

L’orgueil national, ou, plus exactement, la vanité nationale, force et faiblesse des États-Unis, était chatouillée si doucement, si dextrement par Massiliague.

Avec cela, il avait des petits soins de Français. Les misses, comme toutes les jeunes personnes de bonne famille, étaient affiliées à la ligue antialcoolique des teatotalers (buveurs d’eau), et Scipion savait toujours s’arrêter, sans éveiller l’attention, dans une des pharmacies réputées pour la confection des bonbons stomachiques.

Ce sont des bonbons particuliers, de sucre cristallisé ; chacun contient environ un petit verre de liqueur. Ils représentent, suivant l’expression amusante d’un publiciste de New-York, « une hypocrisie sucrée et spiritueuse ».

Songez donc. On peut tonner contre l’alcoolisme en dégustant les bonbons stomachiques.

Celui qui absorberait un petit verre de cognac serait dédaigneusement qualifié d’ivrogne.

On reste digne du titre de « buveur d’eau » en s’administrant dix bonbons.