Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/134

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Le dernier tramway passa, avec son tintamarre habituel de timbre automatique. Il s’éloigna, le bruit décrut peu à peu, puis le silence se fit.

Alors Massiliague rouvrit doucement sa croisée et se pencha au dehors.

Sous la clarté blanche de l’électricité l’avenue se montrait déserte. Plus un piéton, plus un agent de police. La ville était bien définitivement endormie.

— En route, fit le prisonnier à mi-voix.

Lestement, il se glissa entre les barreaux restés en place, s’accrocha des deux mains au rebord de la fenêtre et sauta sur le sol.

Libre ! Il était libre !

Mais il n’eut pas le temps de se féliciter. Une forme humaine, tapie jusque-là dans l’ombre de l’arceau de la porte du logis Coldjam, bondit en avant, et la voix de Marius susurra :

— Je me doutais bien que Monsieur désirerait se promener cette nuit. Je veillais pour me mettre aux ordres de Monsieur.

Scipion pâlit… Il chercha à sa ceinture une arme, absente. Marius continua :

— Quand j’ai dit à Monsieur que mon père, originaire de Marseille, m’avait inculqué l’amour, le respect de tout ce qui est marseillais, Monsieur n’a pas voulu me croire. Monsieur a eu tort, n’en déplaise à Monsieur, car je l’aurais fait sortir par la porte comme un gentleman, au lieu de le laisser sauter par la croisée ainsi qu’un robber (voleur).

La leçon de convenability était si inattendue que Massiliague se dérida :

— Enfin que veux-tu ?

— Accompagner Monsieur partout où il ira, et lui prouver mon dévouement en toute circonstance. J’ai déjà commencé.

— Tu dis ?

— J’ai déjà commencé. Hier soir, Monsieur a appris aux Coldjam qu’un étranger lui avait rendu visite dans la journée, pour lui remettre divers objets oubliés au fort Davis.

— Oui. Eh bien ?

— Comme l’étranger ne portait rien en arrivant, c’est moi qui l’ai reçu. Monsieur se souvient, je me suis fait cette réflexion : Monsieur met un cache-nez à la vérité, donc Monsieur a une idée de derrière la tête… tenons-nous prêt.

— Et ?…