Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/133

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À la famille Coldjam, son hôte reconnaissant.
« Cher major, chères demoiselles,

« C’est le cœur serré par une émotion équivalente à celle que vous ressentirez en me lisant, que je trace ces lignes d’une main tremblante.
xxxx« Le Midi ne saurait vivre en cage, et je suis ma destinée qui m’entraîne… par la fenêtre… loin de vous.
xxxx« Où serai-je quand ce papier passera sous vos yeux ! Je ne puis vous renseigner à cet égard, car ignorant à quelle heure vous parcourrez ma missive, il m’est impossible d’évaluer la distance que j’aurai franchie.
xxxx« Mais quelques milles (environ 1.800 mètres) de plus ou de moins ne sont rien en matière de souvenir. Fussé-je déjà aux antipodes, mes pieds et vos pieds s’appliquant semelle contre semelle à travers l’épaisseur de la boule terrestre, que ma pensée charmée résiderait encore parmi vous.
xxxx« La liberté est une bonne chose ; la reconnaissance en est une autre. Ayant recouvré la première, je conserve la seconde. C’est vous dire que, de retour à Marseille, la seule ville plus belle que Chicago, je passerai mes jours à espérer votre visite.
xxxx« Si vous vous décidez à m’accorder cette faveur, je mettrai à votre disposition les meilleures chambres de mon home… avec des fenêtres sans barreaux et une âme sans rancune.
xxxx« Car je demeure, à la fois votre dévoué et sur la Cannebière.

Signé : Scipion Massiliague, de Marseille. »

— S’ils ne sont pas contents, se déclara le Marseillais en cachetant son enveloppe, ils seront bien difficiles. Je crois que ma lettre est touchante, scientifique et gaie. Ils verront bien que je n’ai pas plaint ma peine.

De nouveau, il consulta sa montre :

— Dix heures… Dans trente minutes les tramways cesseront de circuler ! Ce sera l’instant de déguerpir.

Nerveux, impatient, Scipion éteignit sa lampe, vint à la fenêtre, et le front appuyé à la vitre, il resta immobile, attendant.