Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/138

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détournée dans les caisses de la Compagnie, et le bénéfice prélevé par la Société de consommation vient en déduction des salaires afférents à la fabrication.

Ceci non pour attaquer une nation grande et forte, mais pour montrer qu’en dépit des rhéteurs, c’est la jeune Amérique qui devrait se modeler sur la vieille Gaule, où l’idée a fait plus de chemin, et non l’inverse.

Le car, dans lequel Massiliague et Marius avaient pris place, offrait l’apparence d’un hall rectangulaire. Au centre un couloir de passage était ménagé. De chaque côté des couchettes disposées dans le sens de la longueur s’alignaient. Autour de chacune, des rideaux épais permettaient aux voyageurs de s’enfermer, de se déshabiller, de se coucher, sans crainte des regards indiscrets.

Cette première nuit s’écoula sans encombre. Au matin, tandis que le train filait à travers la campagne, Scipion se débarbouilla devant un lavabo confortable. Il achevait à peine qu’un nègre — le service des Pullmann est fait par des gens de couleur — lui apportait ses chaussures cirées, ses vêtements brossés.

Marius, auquel le noir avait rendu les mêmes bons offices, maugréa bien un peu de se voir ainsi dépossédé de ses fonctions de valet de chambre ; mais il fut consolé par cette affirmation du Marseillais :

— Il n’y a plus de domestique, mon bon. Nous allons nous engager dans la Prairie, au milieu des peuplades indigènes. Nous sommes deux hommes menacés par les mêmes dangers, devant les supporter avec le même courage. Donc, tu deviens mon compagnon d’armes et n’es plus mon serviteur.

Le Texien avait répondu à cette affirmation par un grand salut, mais il n’en continua pas moins à parler à son « compagnon d’armes » à la troisième personne.

— Si j’osais donner un conseil à Monsieur, je lui ferais remarquer que l’heure du petit déjeuner a sonné.

— Déjeunons donc, mon bon.

Et tous deux gagnèrent le wagon-restaurant.

Du poisson fumé, des œufs sur le plat, quelques tasses de thé les mirent dans les plus heureuses dispositions.