Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/139

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Mais leur attention fut bientôt appelée par un mouvement qui se produisait de chaque côté de la voie. On traversait à ce moment un district minier, et partout des miliciens en armes bivouaquaient en plein champ.

— Que se passe-t-il donc ? demanda Scipion au steward qui le servait.

L’homme haussa les épaules avec philosophie. :

— Oh ! rien… une grève.

— Une grève ?

— Oui, les mineurs veulent une augmentation de salaire. C’est leur droit, n’est-ce pas. La Constitution reconnaît à tout citoyen le droit de proclamer la grève.

— Sans doute… mais tous ces soldats… ?

— C’est la réponse des patrons.

Ils ont pris à leur charge la solde des milices, et celles-ci bloquent la mine. De la sorte, les ouvriers n’ayant plus de communications avec l’extérieur seront pris par la famine et obligés de reprendre le travail pour ne pas mourir de faim.

Et le steward conclut avec une conviction profonde :

— Dans un pays libre, chacun a le droit d’employer les armes que lui assure sa situation.

— Doubiban, grommela Scipion, quand je pense qu’en France, les grévistes se plaignent de l’armée dont le rôle fraternel se borne à maintenir l’ordre. Qu’ils viennent donc voir comment les choses se traitent en Amérique, cela leur fera bénir leur sort.

Déjà grévistes et miliciens avaient disparu à l’horizon, et la locomotive, empanachée de fumée, emportait à sa suite la file sombre des wagons.

À présent tout le monde vaquait à ses affaires. Les lits repliés jusqu’au soir, les voyageurs se promenaient, jouaient, absolument comme si jamais ils n’avaient dû quitter la maison roulante qui les véhiculait.

Des industriels offraient des objets divers : coutelas, revolvers, cartouches, nécessaires, écritoires, papier à lettres, cartes postes, collections complètes, des vues principales des régions traversées par la voie, etc.

La journée s’écoula sans incident, puis la nuit vint et de nouveau le train roula dans les ténèbres avec ses passagers endormis.

À sept heures du matin, on atteignit Saltsprings,