Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/174

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profilait sur le ciel. En quarante enjambées, les voyageurs furent sous le couvert.

— Attention, susurra encore le Texien. Les tireurs sont de l’autre côté, il s’agit de ne pas recevoir un projectile.

Rampant, s’abritant derrière les troncs noueux ils parvinrent à la lisière du petit bois. Cachés par des buissons bas, ils pouvaient distinguer deux hommes debout à une cinquantaine de pas.

— Comanches, souffla Marius à l’oreille de son compagnon.

— Ils fusillent les arbres, alors ?

— Non, répondit brusquement le Texien. Leur cible est un homme. Tournez les yeux vers la ligne des arbres. Au troisième est attaché un Peau-Rouge… Un Séminole, parbleu… et un chef même, car il porte au scalp les trois plumes rouges du flamant des marais (oiseau de l’ordre des échassiers).

— Il doit être mort.

— Pas même blessé.

— Ces drôles sont donc bien maladroits ?

— Non, non, monsieur ; seulement ils lui infligent l’agonie de l’anxiété avant de lui briser la tête d’une balle. Ces vermines ont des idées de démon. Ils feront feu cinquante, cent fois, sur leur prisonnier, en ayant soin de ne pas l’atteindre. Que Monsieur se figure l’agonie morale de celui qui, à chaque fois, s’attend à mourir.

Sans un mot, Massiliague épaula, visant un des Comanches.

Marius l’imita aussitôt. Les deux détonations se confondirent en une seule et les farouches guerriers du désert s’abattirent lourdement sur le sol.

Sans prendre le temps de se féliciter, les voyageurs coururent vers celui qu’ils venaient de sauver.

Avec sa navaja, le Texien trancha les liens qui enserraient le Séminole.

C’était un admirable type de la beauté indienne. De taille moyenne, mince, élancé, tout en lui décelait la souplesse et l’agilité.

Immobile, il se tenait en face des Européens dans une attitude digne, la main droite appliquée sur la poitrine en signe de gratitude.

— Vé, mon bon, commença Massiliague, vous revenez de loin… hé ?

Mais, se souvenant tout à coup qu’un Peau-Rouge