— Elle m’enchante, mon cher señor, car elle facilite mon ambassade.
— Votre ambassade ?
— C’est le mot propre.
— Expliquez-vous.
— Ainsi fais-je. Une autre personne brûle également de faire partie de l’expédition. À ce point qu’elle m’a prié de l’accepter comme domestique.
— Un de mes vaqueros, sans doute… brave homme, je lui permets bien volontiers…
— Pas d’engagements téméraires, interrompit Cigale. Avant de vous prononcer, señor hacendado, sachez de qui je vous parle.
— De qui donc s’agit-il ?
— De la señorita Vera, votre seconde fille.
À ce nom, Fabian Rosales demeura stupéfait :
— Quoi, Vera, votre domestique…
— Le vêtement masculin est plus commode pour courir le désert.
— Elle quitterait ses sœurs : Inès et Annina ?
— Elles l’approuvent.
— Quoi ? Inès si raisonnable ?…
— Estime qu’il convient de tenter l’impossible pour délivrer un fiancé.
Cette fois, l’hacendado se prit le crâne à deux mains, et avec l’effarement comique de l’homme jeta brusquement en pleine charade :
— Un fiancé, maintenant. Vera a un fiancé !
— Oui, señor.
— Mais je ne le connais pas.
— Et lui-même, señor, ne soupçonne pas que la gracieuse enfant l’a distingué.
Rosales faisait de vains efforts pour démêler l’imbroglio.
Enfin il reprit d’un ton suppliant :
— Au nom du ciel, soyez clair.
— Voici. La gentille Vera a senti son cœur aller à Scipion Massiliague. L’auréole du champion, la verve du pauvre garçon, ont accaparé la pensée de la jeune fille. Et la dernière nuit que l’infortuné passa à l’hacienda, la señorita Vera, accompagnée de ses deux sœurs, alla porter sur la fenêtre de votre hôte le bouquet emblématique de sospiriano.
Les sourcils de l’hacendado se froncèrent.
Presque rudement il gronda :
— Vera vous a chargé de me faire ce récit ?
Mais Cigale secoua la tête.