Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mort ! Je ne la reverrais pas, fit-il tout bas, comme si ses paroles lui faisaient peur.

De nouveau ses épaules eurent un mouvement volontaire et las :

— Son souvenir restera doux au pauvre chasseur mort pour elle. Oui… C’est cela… je veux décider ces loups des prairies à m’attacher au poteau de la torture… Ils accepteront, que diable, c’est tentant d’orner la tente du conseil de la chevelure d’un ennemi, qui a déjà envoyé dans le monde des esprits un certain nombre de leurs guerriers.

Ce monologue l’avait conduit jusqu’à l’entrée de la tente.

Là, il fit batte et considéra les chefs rassemblés à l’intérieur.

Ils étaient dix, mais à sa grande surprise, Gairon constata qu’ils représentaient diverses tribus du désert. Comanches, Apaches, Papagos, Utapis, assis côte à côte, semblaient avoir oublié leurs rivalités habituelles pour constituer une seule nation. Évidemment une confédération, au moins momentanée, s’était formée, englobant tous les représentants rouges de la prairie.

— Que le messager des visages pâles entre dans le wigwam du Vautour Rouge des Montagnes Rocheuses, prononça d’une voix caverneuse un guerrier aux cheveux gris, assis juste en face de l’entrée.

Francis obéit.

De la main, le Vautour Rouge lui indiqua une pierre demeurée inoccupée.

Le chasseur s’assit, et silencieusement promena son regard sur les assistants.

Il connaissait les habitudes indiennes. Il savait que le flegme est pour les tribus du désert la plus haute vertu. Un chef ne doit marquer ni curiosité, ni surprise, ni joie, ni crainte.

Le chef qui avait parlé venait de prendre à sa ceinture une pipe au fourneau de terre rouge, au tuyau long. Il la bourrait lentement de tabac puisé dans une pochette de peau.

Ceci fait, il se pencha vers un feu allumé, y prit un tison, enflamma le tabac, et après avoir aspiré deux ou trois bouffées de fumée, il passa l’instrument à son voisin.

Tous les chefs, l’un après l’autre, eurent la pipe en mains. Enfin elle arriva à Francis Gairon.