Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/226

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— Je fus l’engagé du Renard, continua le Canadien. Sa mort vous coûta vingt-sept guerriers et son scalp vous échappa. Souvenez-vous, souvenez-vous.

Personne ne répondit, et Gairon, sentent que la résolution des Indiens ne pouvait être ébranlée, se leva, quitta lentement la tente, sans qu’aucun des assistants fît un mouvement pour le retenir.

Dehors, les Peaux-Rouges, campés aux environs, ne parurent pas même s’apercevoir de sa présence.

Sans qu’aucun obstacle se dressât sur sa route, il sortit du camp, dépassa la ligue des sentinelles et regagna le plateau fortifié.

Ses compagnons l’attendaient anxieux :

— Eh bien ? demanda Dolorès.

— Doña, fit-il d’une voix sourde, ce sont des Apaches, des Comanches, des Papagos, des Utapis.

— Tous les ennemis des Atzecs, murmura la jeune fille.

— Vous l’avez dit, Doña. Savez-vous ce qu’ils demandent ?

— Hélas ! je m’en doute.

— Ils veulent que vous soyez leur prisonnière, afin de vous livrer aux Américains du Nord.

Elle frissonna, mais relevant vers le ciel ses regards inspirés :

— C’est la guerre. Que la volonté de celui d’où vient toute indépendance soit bénie !

Ce fut tout.

Mais Pierre ayant entraîné Francis à l’écart, lui chuchota à l’oreille :

— Et nos coups de feu de l’autre jour, ?

— Pas plus d’importance que si nous avions tiré sur des troncs d’arbres.

— C’est bien uniquement à la Doña qu’ils en ont ?

— Oui. J’avais espéré qu’en leur livrant le coupable…

— Comment leur livrer ?…

— Moi, qui ai tiré ; moi, qui ai entraîné Dolorès dans cet effroyable danger ; moi, qui tremble à présent de la savoir en péril, qui ai honte de moi-même. Je leur offrirais ma vie pour qu’elle fût libre… Au poteau de supplice, j’aurais dit merci à mes bourreaux, car ils m’auraient délivré d’une existence insupportable…

— Ils n’ont pas accepté ?…