Dans un grondement, jaillissait une injure :
— Coquins, bandits, lâches, pillards !
Puis, le silence se rétablissait, plus déprimant, plus angoissant, après cette explosion d’une rage impuissante.
La nuit vint.
Après le dîner rapide, Dolorès, prétextant la fatigue, s’était retirée sous sa tente.
Elle était bien réellement le centre de cette petite troupe perdue au milieu du désert américain. Elle disparue, ses compagnons demeurèrent muets, abattus, ne sachant que se dire.
Bientôt, ils gagnèrent un à un leurs abris, et sous le ciel noir bleu, ponctué d’étoiles, le campement parut être endormi.
Seuls, deux Mayos de faction, veillaient, débout, ainsi que des statues, à l’extrémité du plateau.
Alors, Francis et Pierre se glissèrent sans bruit hors de leur tente. En rampant, ils parvinrent à la crête de la falaise.
Déjà, Dolorès les y avait précédés.
Sans une parole, les Canadiens déroulèrent leurs ceintures de soie. Ces ceintures, longues de plusieurs mètres, présentaient, malgré leur finesse, une résistance presque infinie. Nouées ensemble, elles devaient permettre à Gairon d’atteindre le niveau de la corniche inférieur, par laquelle il se flattait d’échapper aux assiégeants.
Méthodiquement, Pierre enroula l’une des extrémités autour d’une pointe de roc, s’assura par une énergique traction que le point d’appui était suffisant, puis il se tourna vers son ami :
— C’est fait, chef.
Francis inclina la tête et se prépara à descendre.
Mais, à ce moment, la Mestiza vint à lui, elle lui tendit les mains :
— Merci de ce que tu tentes, fit-elle lentement. L’espoir des peuples est en toi. Va, et sois béni !
Dans la voix de la jeune fille vibrait une émotion contenue, mais aussi une autorité étrange.
Les Canadiens en furent frappés, et tous deux courbèrent dévotieusement le front sous sa bénédiction.
Aucun autre adieu ne fut échangé.
Prestement, Gairon saisit la ceinture à deux mains et se laissa glisser par-dessus le rebord de l’escarpement.