La Mestiza et Pierre se penchèrent avidement. Une seconde encore, ils aperçurent la silhouette du chasseur se mouvant dans les ténèbres, puis la forme devint imprécise et parut s’absorber dans l’ombre.
L’oreille tendue, la respiration oppressée, ils demeurèrent là, tremblants qu’un cri, une détonation, leur apprit que leur messager avait été découvert.
Cet homme qui s’éloignait était en effet l’ultime espérance de la cause de la liberté sudiste. S’il échouait dans son entreprise, la partie était perdue, la tradition inca-atzèque ne se renouerait jamais.
Mais la nuit resta silencieuse. À un instant, il est vrai, les guetteurs crurent percevoir un gémissement étouffé, mais le bruit ne se renouvela pas, et après une longue station, la jeune fille et l’engagé regagnèrent lentement leurs tentes respectives.
Cependant Gairon avait atteint la corniche sans accident. Sa carabine en bandoulière, son machete dans la main droite, il avait pris pied sur l’étroite saillie.
Autour de lui, tout était sombre. Il avait l’impression d’être enfermé dans une cloche de nuit. Bien loin, au-dessous de lui, des clapotis bruissaient, lui rappelant que l’abîme était là.
Bien des hommes d’un courage éprouvé eussent été émus en se voyant ainsi perdus dans l’obscurité, suspendus au-dessus d’un gouffre, mais Francis était familiarisé avec tous les dangers de la prairie et ce fut paisiblement qu’il murmura :
— Enfin, j’ai donc une occupation agréable à mon cœur.
À petits pas, la poitrine presque appliquée à la paroi du rocher, il commença sa périlleuse promenade.
Au bout de quelques mètres, du reste, sa marche devint plus aisée, la saillie s’élargissant insensiblement.
— La nuit me cache, fit-il encore, mais elle m’empêche de voir. Je suis capable de tomber dans les bras d’une sentinelle rouge.
En redoublant de précautions, s’arrêtant à chaque instant pour prêter l’oreille, il reprit sa marche.
Une demi-heure, longue comme un siècle, s’écoula ainsi. Enfin, Gairon distingua confusément en avant de lui une masse irrégulière.