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Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/24

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sance de la vie de la prairie, votre courage, votre adresse. La Mestiza vous accueillera avec joie.

En dépit des compliments dont le couvrait Sullivan, le Canadien restait indécis. Évidemment, il devait obéissance à ce dernier, puisque, moyennant une prime de deux mille dollars, il s’était engagé à lui pour la campagne qui s’ouvrait ; mais son caractère loyal répugnait à la fourberie, et l’idée de tromper la noble enfant vouée à l’indépendance d’un monde, lui causait un malaise inexprimable. Il aurait sans doute formulé de nouvelles objections, si des clameurs nourries n’avaient interrompu l’entretien. Les cris venaient de l’extérieur et dans le bourdonnement des voix on percevait de temps à autre :

Viva el Matanorte ! Viva el padre dell’ independancia ! (Vive le vainqueur du Nord, le père de l’indépendance !)

Avec leur emballement habituel, les Mexicains, qui portaient Massiliague en triomphe et le ramenaient à l’hôtel Iturbide après une promenade triomphale à travers la ville, les Mexicains en étaient arrivés à se figurer que leur héros, pas encore parti pour son expédition, en était déjà revenu victorieux.

Heureux don des peuples méridionaux, dans les cerveaux bouillonnants desquels le rêve et la réalité se mêlent de telle façon, qu’eux-mêmes ne les distinguent plus l’un de l’autre.

Et sur le pavois, Scipion Massiliague, radieux, épanoui, mêlait ses cris à ceux de la foule, lançait des galéjades (récits fantaisistes) énormes, encourageait son escorte, ses porteurs.

— Hardi, té, mes fils. Je dis mes fils, pécaïre, parce que vous êtes de vrais gensses du Midi ! Dioubiban ! On se croirait à Marseille.

Sullivan et Francis s’étaient précipités à la porte de l’hôtel. Ils virent arriver le cortège. L’Américain eut un mauvais rire :

— Premier acte de notre pièce, dit-il. Supprimer ce « gachupino ».

— Cela, je le veux bien, répliqua le chasseur… un combat loyal ne m’a jamais déplu.

— Loyal, mais si vous aviez le dessous ?

— Mon engagé Pierre reprendrait l’affaire.

— Et si lui-même ?…

— À l’impossible nul n’est tenu, monsieur Sulli-