Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/242

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saurait empêcher que des ombres subsistent au milieu de la clarté.

Et comme l’interpellé interrogeait du regard, l’Apache poursuivit :

— La prairie est pleine d’embûches. Un guerrier valeureux, tel que Cœur de Feu lui-même, peut y rencontrer la mort.

— Tu voudrais ?

— Je ne veux rien, ô le plus noble des Comanches ! je dis : un malheur est possible. Et s’il se produisait, qui donc oserait affirmer que nous avons été avisés à temps des désirs de nos frères bien-aimés, les Séminoles ?

— Chut ! fit vivement le Vautour Rouge, on vient. Mon frère le Bison me montrera le fond de son âme plus tard.

En effet, Cœur de Feu approchait, guidé par l’Ocelot.

Parvenu au seuil de la tente, il appliqua ses mains sur ses joues, les étendit en avant. Ces marques courtoises de respect données, il s’assit, les jambes croisées, en face de ses hôtes et demeura immobile, attendant que ceux-ci l’interrogeassent.

— Mon frère a fait une longue course, commença le Comanche. La poussière du désert a terni le lustre de sa chevelure.

— Cœur de Feu avait hâte de saluer le grand chef dont le nom signifie courage et sagesse.

— Le Vautour Rouge est touché de l’empressement de son frère qui, malgré sa jeunesse, égale déjà les plus braves guerriers.

Et avec une sollicitude feinte :

— Mais peut-être le corps de Cœur de Feu souffre-t-il de la faim. Lui plaît-il d’accepter une tranche de venaison ?

— Cœur de Feu n’entend pas la voix de la faim. À ses oreilles bourdonnent les paroles confiées à sa mémoire par l’assemblée de toute la nation séminole et il voudrait les répéter aux chefs qui l’écoutent.

Un regard rapide échangé avec le Bison, et le Comanche répliqua :

— Que mon frère parle ! Sa voix me réjouira.

Les politesses indiennes étaient épuisées. Les adversaires allaient entamer la partie grave de l’entretien.