Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/241

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Les chefs affectaient le calme, mais une émotion intense vibrait au fond d’eux-mêmes. Malgré les bravades habituelles aux bravos de la prairie, ils ne se dissimulaient pas que l’entrée en scène des Séminoles réduirait à néant tous leurs projets.

De plus, connaissant l’antique attachement des tribus séminoles pour les Atzecs, ils pressentaient que la présence de Cœur de Feu se rattachait à celle de la Mestiza.

Toutefois ils ne firent rien paraître de leurs préoccupations et ce fut d’un ton calme que le Vautour Rouge ordonna :

— Conduis vers nous celui que tu as annoncé.

Le jeune Peau-Rouge s’éloigna aussitôt.

— C’est un ennemi que nous allons recevoir, murmura le Comanche dès qu’il se trouva seul avec le Bison.

Celui-ci inclina la tête pour affirmer.

— Nous ne sommes plus assez forts pour soutenir la lutte contre les Séminoles, reprit le vieux chef. Les plus braves guerriers apaches et comanches dorment sous le sol brûlant du désert. Il est loin le temps où nos tribus étaient nombreuses, irrésistibles. Naguère nous dictions des lois à tous les hommes rouges ; aujourd’hui il nous faudrait accepter les ordres de ces chiens de Séminoles.

Le Bison se pencha à son oreille :

— Tu crains que Cœur de Feu veuille protéger ceux que nous assiégeons ?

— Oui.

— Qu’il commande peut-être de leur laisser la route libre ?

— Oui, gronda encore le Vautour Rouge.

— S’il en était ainsi, que ferais-tu ?

À cette question précise, le Comanche courba le front ; puis, après quelques secondes de réflexion, il répondit, non sans une nuance d’embarras :

— La vie de nos guerriers est plus précieuse que les présents des fils de Washington.

— Tu céderais ?

— Oui.

De nouveau les interlocuteurs gardèrent le silence. Mais bientôt la voix du Bison s’éleva derechef :

— Le Vautour Rouge est un grand chef. Sa sagesse est supérieure à celle de tous ceux qui lui obéissent. Mais son esprit est comme la lumière du soleil : il ne