Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indignes de ce nom, nous devrons abandonner aux Indiens le trésor dont nous avons la garde.

Et avec un geste violent :

— Elle, leur prisonnière ; elle, traînée d’étape en étape jusqu’au campement des Nordistes ; elle, ridiculisée, bafouée… L’espoir d’un peuple exposé aux risées des soldats. La Vierge mexicaine souffletée par la main brutale des soudards !

Le chasseur se cacha la figure dans les mains, un sanglot le secoua tout entier. Puis, il gémit, les paroles rendues indistinctes par la violence de son émotion :

— Tout cela par ma faute. Lâche et traître, je l’ai amenée dans ce piège. Ah ! j’ai envie de tout avouer a nos compagnons, de les supplier de faire justice.

Mais Pierre entoura de son bras le cou de son chef :

— À quoi bon maintenant ? Avouer serait priver la doña d’un défenseur. Il me semble que la seule chose à faire maintenant est de la défendre jusqu’à la mort.

— Jusqu’à la mort, répéta Gairon.

Puis, comme si une décision soudaine naissait dans son esprit :

— Jusqu’à la mort, as-tu dit ?

— Oui, chef.

— Et ne laisser aux assiégeants que des morts à scalper.

— Oui, encore.

Il y eut une sorte d’hésitation sur la physionomie de Francis… Son indécision fut courte d’ailleurs ; il reprit presque aussitôt avec une intonation étrange :

— La mort te semble donc la seule solution ?

— La seule, en effet.

— Pour tous ?

— Pour tous.

— Et il te paraît préférable pour la doña de tomber frappée mortellement d’une balle, que d’être capturée par l’ennemi.

Les yeux du chasseur interrogeaient avidement le visage de l’engagé. Celui-ci ne sourcilla pas.

— La mort plutôt qu’une captivité honteuse ! répondit-il sans hésiter.

— Merci. Elle mourra donc.

Sur ces mots, Gairon se découvrit et, les yeux fixés sur la voûte céleste, il sembla s’absorber dans un