Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/254

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pour toujours. Si vous survivez, il faut que vous sachiez tout, afin d’apprendre la vérité à mes filles, demeurées là-bas a l’hacienda. Elles doivent pouvoir reconnaître leur frère si le ciel permet qu’elles le rencontrent un jour.

Il se tut soudain. Une douce voix venait de murmurer tout près de lui :

— Père, laissez-moi vous prendre dans mes bras ; père, accordez-moi le baiser dont ma légèreté m’a privée depuis le début de ce long voyage.

C’était Vera Coëllo.

Avant que l’hacendado eût pu répondre, elle reprit :

— Je dormais… Un rêve a visité mon esprit… si doux qu’il a chassé le sommeil. L’homme auquel J’ai offert les fleurs de sospiriano était libre, il accourait vers nous, il venait nous délivrer.

— Songe creux, pauvre enfant.

— Non, père, vérité. Je le sens, j’en suis sûre. Coëllo n’aurait pu vous parler de ces choses, j’ai osé reprendre mon nom de Vera pour vous apporter les paroles d’espérance.

Pour toute réponse, Fabian Rosales pressa la gentille señorita sur son cœur. À quoi bon maintenant lui reprocher le coup de tête, si naturel au Mexique, qui l’avait entraînée dans le danger ?

Au fond, la présence de la chère mignonne ne soutenait-elle pas le courage du père ?

Certes, l’hacendado souffrait de savoir Vera exposée, mais en même temps, il n’éprouvait pas la douleur d’être seul, loin de tous les êtres aimés.

Avec l’inconséquence de l’affection, il s’était surpris parfois à murmurer :

— Si je succombe, une de mes filles au moins sera là pour me fermer les yeux.

Et comme, à cette heure, la même pensée flottait encore dans son cerveau, l’organe du Parisien le fit tressaillir.

— Señor, disait Cigale, ou bien j’ai la berlue, ou bien il se produit dans la plaine une végétation spontanée que je ne comprends pas.

S’arrachant à l’étreinte de sa fille, Fabian s’approcha de Cigale qui, penché en avant, désignait la surface du désert.

— Tenez, là-bas, continua le jeune homme… Je jurerais que, dans la journée, il n’y avait que de sa-