balbutié, se fût enlisé dans des explications contradictoires et il aurait, selon toutes probabilités, dévoilé l’état de son âme.
Mais il était prévenu. Depuis quelques instants, il s’attendait à voir peser sur lui le rayon acéré des regards du policier-frontière.
Si bien qu’il répondit d’un ton de belle humeur :
— Lui-même, gentleman, lui-même, avec le camarade Pierre. Plus heureux de vous revoir que vous ne le supposez, car nous avons bien cru ne plus jamais avoir ce plaisir.
Joë s’était levé. D’un geste impérieux, il renvoya l’escorte, et se plantant devant Francis :
— Comment se fait-il que, depuis de longs mois, je n’aie pas eu de vos nouvelles ? Il a fallu la venue d’Indiens fugitifs pour m’apprendre que la Mestiza campait au Val Noir, tandis que je la cherchais partout ailleurs. Deux de mes batteurs d’estrade que j’ai envoyés là-bas, sont revenus m’apporter la certitude qu’elle avait quitté cet endroit, mais sans pouvoir m’indiquer dans quelle direction elle s’était mise en route.
Il parlait, les dents serrées, avec une irritation froide, remplie de menaces.
— Bon, répliqua le Canadien sans se troubler. En voilà des questions. À laquelle vous plaît-il que je réponde d’abord ?
Son calme réagit sur son interlocuteur qui reprit avec moins de sévérité :
— Certes, je ne vous accuse pas, mon brave chasseur. Mais avouez qu’il est fâcheux d’être dans l’attente comme je m’y trouve depuis trop longtemps.
— Je l’avoue aisément, d’autant plus aisément que maintes fois je me suis dit : Le patron doit s’impatienter ferme, mais quand on a fait le possible, on a la conscience tranquille et l’on ne saurait connaître le remords.
— Que t’est-il arrivé ?
— Oh ! une chose bien simple. Vous m’avez trahi.
— Moi ?
— Ou plutôt votre signature.
Joë sursauta :
— Je crois deviner. Ceux que tu accompagnais…
— Se sont doutés… Je me demande encore comment, car ni Pierre, ni moi, n’avions commis la moindre