Puis, s’apaisant soudain :
— Et vous ignorez vers quel but se dirigeait l’aventurière ?
— Je l’ignore, fit avec force le chasseur qui enfonçait ses ongles dans sa chair pour ne pas céder à l’envie d’assommer le misérable qui traitait la Vierge mexicaine d’aventurière.
Il y eut un silence.
Enfin Sullivan haussa les épaules :
— Bah ! d’après mes renseignements, le but de l’expédition serait le territoire indien… Or, une ligne de petits postes s’étend le long de la frontière du territoire. Ni elle, ni ses compagnons ne franchiront cette barrière vivante.
Il tendit la main au Canadien et à Pierre :
— Au demeurant, je suis heureux de vous revoir sains et saufs. Reposez-vous. Mon ami, le capitaine Joles, — il s’inclina vers l’officier qui avait assisté à l’entretien, — vous fera distribuer des vivres. Reprenez des forces, mais surtout ne vous éloignez pas.
— Nous n’en avons nulle envie, monsieur Sullivan.
— Tant mieux, car je tiens à vous avoir sous la main. Vous connaissez bien la Mestiza, puisque vous avez vécu dans son camp pendant plusieurs mois.
— Certes.
— Eh bien, au cas où cette fine mouche se déguiserait pour essayer de tromper notre surveillance, vous éventeriez la ruse.
— Soyez tranquille, murmura, avec une imperceptible ironie, le chasseur amusé par l’idée que l’on comptait sur lui pour livrer Dolorès.
Sullivan n’y vit pas malice :
— Je suis tranquille, mon brave chasseur. Vous avez à vous venger, cela doublera votre clairvoyance de chercheur de pistes. En outre, notre contrat va venir sous peu à expiration et la prime vous sera versée. Eh ! Eh ! vous n’aurez pas perdu votre temps cette année.
Sans attendre de réponse, le yankee revint au capitaine.
— Mon cher ami, dit-il, veuillez envoyer des hommes aux postes voisins. Voici la nouvelle consigne : Nul ne doit traverser nos lignes. Quel que soit l’inconnu qui se présente, qu’on me l’amène ici !