Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/315

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réquisitionne. Au jour tu seras libre et tu recevras un dollar.

Résister était impossible.

Dolorès s’inclina.

— À la bonne heure, reprit l’officier en ricanant. On voit de suite que tu appartiens à une tribu d’Indios mansos (Indiens soumis, par opposition aux bravos ou insoumis), tu sais que les miliciens ont horreur des récalcitrants.

La jeune fille, tendant sa volonté, sut dissimuler la colère que lui causait la grossièreté du personnage, et froidement :

— Où le gentleman désire-t-il que le foyer soit allumé ?

— Là, répliqua l’homme en désignant des pierres disposées de façon à figurer un foyer… C’est le Grand Esprit lui-même qui t’a envoyée de ce côté. Sans toi, l’un de nous aurait dû se vouer à cette besogne de cuisinier.

Les autres riaient des lourdes facéties de leur camarade.

— Dis donc, Andrew, s’écria l’un, tu as donc l’intention de te marier ?

— Hein ? Moi ? grommela l’interpellé. Où prends-tu cela ?

— Dans tes actions. Quand on veut une squaw pour garder son foyer… Avec ce terrible mépris que professent les Yankees pour la race rouge, les officiers parlaient, devant celle qu’ils croyaient Indienne, avec la même tranquillité qu’ils l’eussent fait devant un animal.

Les éclats de rire redoublèrent :

— Oh ! fit Andrew, ne t’exprime pas ainsi devant cette « bête rouge » ; elle serait capable de te croire et de me demander ma main.

— Bon, tu la lui accorderais peut-être…

— Parbleu oui… Si elle m’apportait dix mille dollars en dot.

Et facétieux, il ajouta :

— Dis donc, squaw, possèdes-tu dix mille dollars ?

Les lèvres serrées, se dominant avec peine, Dolorès parvint cependant à répliquer d’un ton assez calme :

— Hélas ! non, señor… les pauvres Indiens n’ont jamais possédé pareille somme.

— Elle a dit : Hélas ! se récria l’un des assistants.