Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/32

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tendre, et, la carabine en bandoulière, fredonnant un air pas du tout mélancolique, il s’enfonça dans les allées du parc qui couvre les pentes de la célèbre colline.

Des fleurs aux dimensions inconnues en Europe, des arbres ahuehuete, aux troncs noueux mesurant quinze mètres de circonférence, dressaient leurs frondaisons jusqu’à cinquante mètres de haut.

— Mâtin, plaisanta le promeneur, voilà des petites cannes d’entraînement.

Et par réflexion :

— C’est égal, j’aime mieux les environs de Marseille… Il n’y a pas de plantes de cet acabit, mais on a plus de soleil.

En effet, ces géants végétaux versaient sur le sol une ombre épaisse, humide, où l’on se sentait mal à l’aise, où l’air semblait plus lourd.

Au bout de quelques instants, Scipion déboucha dans un carrefour spacieux.

— Je m’arrête ici, pécaïre… Mes adversaires me retrouveront, je pense.

Il consulta sa montre :

— Cinq heures cinquante… Premier rendez-vous à six heures. J’ai dix minutes, le temps de m’offrir un cigare.

S’asseyant sur l’herbe, le digne Marseillais posa sa carabine à terre, tira son étui de sa poche, y choisit un cigarro, l’alluma et envoya voluptueusement la fumée odorante vers le ciel.

Jamais on ne vit duelliste aussi parfaitement indifférent, à l’instant précis où il allait falloir en découdre.

Tout absorbé par son agréable occupation, le fumeur n’aperçut point un groupe de six personnes qui parurent à l’angle de l’une des avenues s’ouvrant sur le carrefour et s’arrêtèrent à sa vue.

Francis et Pierre étaient les premiers. Ils considérèrent Scipion, échangèrent un regard. Puis Gairon, d’une voix légère comme un souffle, murmura :

— Décidément ce bavard est un brave.

— Un brave, répondit l’engagé.

Le qualificatif avait une réelle valeur, sortant de la bouche des chasseurs, coureurs des prairies verdoyantes du Far-West ou des steppes glacés du Dominion canadien. Accoutumés à braver les dangers provenant de la nature ou des hommes, intempéries du