Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/323

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la vérité, mais le désir vaniteux de briller est humain. Que de gens, quand les événements sont accomplis, éprouvent un plaisir enfantin, ridicule, à déclarer :

— Je l’avais bien dit.

Encore qu’ils n’aient rien dit du tout et qu’ils soient incapables de voir plus loin que le bout de leur nez. Les lèvres serrées, un rictus ironique enlaidissant son visage, qui pourtant n’avait pas besoin de cela, Joë Sullivan écoutait.

L’orateur ayant terminé, il le congédia ;

— Allez, Andrew, il sera tenu compte du service signalé que vous avez rendu aujourd’hui à la cause nordiste.

Et apercevant Francis qui venait d’arriver avec Pierre :

— Approchez, brave chasseur.

Gairon obéit.

— Cette femme vous a joué tantôt. Je m’étonne qu’un chercheur de piste comme vous n’ait pas reconnu son déguisement.

— Ma foi, monsieur Sullivan, cela prouve qu’elle était supérieurement grimée. Je ne suis qu’un homme, et malgré ma grande habitude des ruses du désert, je n’ai jamais prétendu ne pas pouvoir me tromper.

Son accent était si détaché que Joë en fut dupe.

— Soit, reprit-il. Mais à présent que la prisonnière nous montre sa figure naturelle, je pense que vous serez en mesure de me répondre, sans crainte d’erreur.

— À vos ordres, monsieur Sullivan.

— Avez-vous déjà vu cette femme ?

Le Canadien s’attendait à cette question. Aussi n’hésita-t-il pas.

— Oui.

— Où ?

— Au camp de la Mestiza.

Le visage dur de l’agent nordiste exprima la satisfaction.

— Parfait.

Et après une pause :

— Quel rang occupait-elle dans ce camp ?

Les yeux de Dolorès se fixèrent sur ceux de Francis avec une éloquente inquiétude, mais le chasseur ne parut pas s’en apercevoir :

— Bon, répliqua-t-il. Elle avait un rang analogue