Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/322

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pillards du désert, nous avons tout affronté en commun. Aujourd’hui, vous allez marcher sur le sentier de la guerre contre les « Capotes grises », et vous me dites : Va-t’en. C’est donc que vous n’avez pas confiance en moi ?…

— Pas confiance, mon pauvre Pierre, peux-tu le croire ?

— Alors, retirez votre proposition ridicule… D’autant plus que, moi aussi, je ne serai pas fâché de batailler contre ces Nordistes, qui lèvent une armée pour ennuyer une jeune fille.

— Digne garçon.

— Qu’est-ce que vous voulez. Chacun apprécie les choses à sa façon. Vous, vous aimez la señorita Dolorès, c’est votre affaire ; moi, je déteste Sullivan… Des goûts et des couleurs, on ne discute pas. Que ce soit par affection pour la doña, ou par haine pour Joë, le sentier de la guerre s’ouvre également devant des guerriers. Allons, chef, serrons-nous la main, et ici, comme partout ailleurs, nous pousserons ensemble notre cri de guerre.

— Dans, quinze jours, soupira encore Francis. Car pendant quinze jours encore, je suis l’engagé de Sullivan.

— Entendu… dans deux semaines.

Et les braves chasseurs qui, au cœur des États-Unis, venaient de jeter le gant à toute une nation, avec la plus naïve et la plus héroïque insouciance, s’étreignirent les mains.

Après quoi, ils rentrèrent au camp que l’arrivée des cavaliers avait mis en effervescence.

Déjà Andrew et ses camarades avaient conduit leur prisonnière près du dolmen naturel, choisi comme quartier général par Joë Sullivan.

La Mestiza, ranimée par des lotions d’eau fraîche, se tenait debout devant le Yankee.

Son visage, dépouillé de peinture, apparaissait dans toute sa beauté.

Seulement son teint doré avait pâli, et dans ses yeux brillants de courage se lisait aussi une mortelle angoisse.

Andrew contait, avec des intonations emphatiques, comment ses soupçons s’étaient éveillés à la vue de la fausse Indienne, comment il avait imaginé la ruse du baiser pour l’obliger à se trahir.

Ainsi qu’on le voit, le milicien fardait quelque peu