Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/386

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puis Gonfaccio reparut, obséquieux, courbé en accent circonflexe, la face fendue par le large sourire du commerçant en face de la pratique.

— Avant une demi-heure, si les chérubins le permettent, Votre Seigneurie pourra se mettre à taule.

— Bien. Écoute-moi.

— Je regrette de n’avoir que deux oreilles à mettre au service de Votre Seigneurie.

— Elles suffiront, seulement boucle ta langue.

— Je boucle.

Le voyageur se pencha en avant et, d’un ton placide :

— Veux-tu gagner cent dollars ?

Le tambero reçut un choc. Cent dollars ! plus qu’il ne gagnait parfois en une année. À peine put-il Bredouiller :

— Votre Seigneurie a deviné la réponse. On ne refuse pas de gagner cent dollars.

— Même si la chose à exécuter n’est pas une opération habituelle aux aubergistes ?

Gonfaccio sourit finement.

— Un aubergiste, señor, a pour mission de satisfaire ses clients. Rien de ce qui les intéresse ne peut lui paraître en dehors de ses fonctions.

L’inconnu hocha la tête en signe d’approbation.

Il glissa nonchalamment la main dans une poche de son vêtement et l’en retira sans se presser.

Entre ses doigts, il tenait maintenant un petit flacon de verre taillé, contenant une liqueur brune.

— Tu vois ? dit-il.

— Votre Seigneurie doit s’apercevoir que j’ai les yeux grands ouverts.

— Ceci est une solution opiacée.

— Excellente contre l’insomnie, par conséquent.

— Précisément.

Et, après une courte pause, le voyageur reprit :

— Ce soir, sans doute, arriveront ici huit personnes.

— Huit ! Santa Virgen de Cordoya ! s’exclama le tambero en joignant les mains. La bénédiction du ciel est sur ma modeste maison.

— tais-toi !

L’ordre tomba rudement des lèvres de l’inconnu. Gonfaccio se tut incontinent.

— Ces personnes, continua plus doucement son interlocuteur, sont très impressionnables, la joie de