Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/63

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— Té, mon cher señor, on me prenait pour une mazette.

— Non, mais…

— Mais vous disiez… Ce brave Massiliague, il se vante. Avouez-le sans crainte ; j’ai bien vu, à table, vous étiez ému, comme une modiste, par la galéjade du nageur. Il faut bien rire un peu, mon bon, il faut rire.

Ma foi, l’hacendado ne résista plus. L’air du Méridional était si engageant, il y avait tant de finesse dans le regard du brave garçon, que le fermier, mélancolique et réservé, devina les trésors d’habileté, de droiture, enfermés sous l’écorce un peu vulgaire de celui dont il doutait un instant plus tôt.

Fabian traduisit cette impression un instant après, en murmurant à l’oreille de Dolorès :

— Comme toujours, vous aviez raison, noble Mestiza. À présent j’ai confiance. Pardonnez-moi d’avoir hésité.

La jeune fille lui tendit la main :

— Je n’ai vu dans vos paroles que l’intérêt que vous portez à ma personne et à mon œuvre.

Tout à coup des explosions multiples crépitèrent dans la nuit ; des peones, dissimulés jusque-là dans les plantations d’aloès, se lançaient des bastardos (sorte de pétards) qui, avant d’éclater, décrivaient des trajectoires de feu au milieu des ténèbres.

Ces manifestations pyrotechniques sont l’accompagnement indispensable de toute fête mexicaine. Ne point s’y livrer serait faire injure à l’hôte que l’on reçoit.

Or, étant donnée l’importance exceptionnelle de Massiliague, le personnel de l’hacienda se crut obligé de forcer la consommation de pétards. Durant près d’une heure, des traits flamboyants se croisèrent, accompagnés de détonations incessantes qui ébranlaient au loin l’atmosphère silencieuse de la plaine.

Puis les bastardos se firent plus rares. Quelques explosions isolées résonnèrent encore et enfin tout se tut. Les munitions étaient épuisées.

Alors l’hacendado souhaita le bonsoir à ses hôtes :

— Reposez en paix, amigos, dit-il, et soyez remerciés d’avoir bien voulu honorer ma maison de votre présence.

Chacun se retira dans sa chambre.

Or, dans un petit pavillon en retour, occupé par les