Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/70

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cette importance. Je suis à vous, cher ami, je suis à vous.

L’inconnu leva la main :

— Pas par la porte donc, vous réveilleriez tout le monde… par la fenêtre… elle est à deux pieds du sol.

— Juste, mon bon !

Et les jambes du Marseillais parurent en dehors de l’ouverture.

— Eh ! fit-il alors, là sur le rebord… Que sont ces jolies fleurs ?

Vera frissonna de la tête aux pieds. Les fleurs dont parlait Massiliague étaient celles que sa main tremblante avait posées là, au début de la nuit.

Mais elle se dressa toute droite, les mains crispées sur sa poitrine, en entendant l’interlocuteur de Scipion répondre d’un ton railleur :

— Ça, c’est des sospirianos… un bouquet de mariage.

— De mariage ?

— Ces fleurs indiquent que vous êtes un bourreau des âmes, car la jeune fille qui l’a placé ici a voulu vous dire : cherchez qui vous recherche.

— Quoi ?

— Une coutume du pays, cher monsieur.

— Qui a pu ?…

— La Mestiza peut-être ou bien l’une des filles de votre hôte… Je ne vois guère qu’elles ayant une situation suffisante pour se permettre pareille démarche.

— La Mestiza ou l’une des petites señoritas, répéta Scipion… Parbleu ! j’éclaircirai cela après notre promenade.

Sur ce, il sauta à terre, et côte à côte avec l’inconnu, il gagna l’ombre des arbres qui les cachèrent bientôt aux yeux de la tremblante Vera.

Ah ! la señorita goûtait un bonheur sans mélange.

— Après la promenade, j’éclaircirai ce mystère, avait dit Massiliague.

Donc il ne méprisait pas l’hommage de tendresse posé sur sa fenêtre par une main naïve.

Et sa pensée chantant l’hymne des naissantes affections, Vera, sans voix, sans regard, sans conscience même, resta debout devant sa croisée ouverte, dans la clarté grandissante du matin.

À ce moment où la fillette se berçait des doux rêves d’avenir, celui qu’elle associait en imagination à sa