Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/85

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— Je me suis trompé. C’est la brise du soir qui chuchote dans le feuillage.

Et d’un temps de trot il gagna l’hacienda où il fut accueilli à bras ouverts.

Cigale ne s’était point mépris, comme il le pensait. C’étaient bien des voix humaines qui avaient frappé son ouïe.

Dans une éclaircie du bois, où la lune projetait sa lueur argentée, Francis et son engagé campaient.

Continuant la comédie commencée la veille, ils avaient prétexté de leur horreur pour les habitations et avaient ainsi obtenu, sans éveiller les soupçons, licence de passer la nuit à la belle étoile.

Et maintenant seuls, dans le bruissement des feuillages agités par le vent, sous la lueur mélancolique de l’astre nocturne, ils s’entretenaient à voix basse.

Un instant, ils s’étaient interrompus au passage de Cigale. Jusqu’à ce que le jeune homme se fût éloigné, ils observèrent un silence prudent, puis Gairon reprit d’un accent hésitant, l’accent de celui que le remords assiège et qui cherche à se tromper lui-même :

— Que dis-tu, Pierre ?

— Dame ! À bien prendre les choses, vous avez bien fait d’obéir au nommé Joë Sullivan.

— C’est bien là ta pensée ?

— Bien sûr. Vous me connaissez assez pour savoir que ma langue n’aime pas lancer le mensonge.

— Tu es franc, mon brave compagnon.

— Eh bien alors, croyez-moi. Si vous aviez refusé de vous offrir à la Mestiza pour l’aider à rechercher le Gorgerin en question, est-ce que vous vous figurez que notre « engageur » se serait contenté d’empocher notre refus et de se croiser les bras ?

— Non, sans doute.

— Il aurait déniché un autre serviteur. Avec de l’or, on embauche toujours assez de coquins pour une mauvaise besogne.

Francis secoua mélancoliquement la tête :

— C’est ce qui m’a décidé.

Et avec un profond soupir :

— Seulement, je suis malheureux, Pierre, malheureux au point que j’aurais joie à m’introduire dans la bouche le canon de ma carabine et de lâcher le coup.

— Bon ! En voilà un moyen de raccommoder les