Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/96

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Et comme Sullivan se récriait, furieux d’être replacé au second rang, le pasteur lui dit tranquillement :

— Mon cher sir, je ne conçois pas votre mauvaise humeur. Vos services sont connus ; on les récompensera magnifiquement. Espériez-vous davantage ?

— Non, répliqua le Yankee d’un ton rogue.

— En ce cas, reprenez un visage souriant. Je resterai à votre égard un ami, et je ne ferai pas ressortir la maladresse de votre conduite.

— La maladresse ?

— Le mot vous choque, je le déplore, mais il est le seul juste. Persécuter ceux qui se dévouent à une cause, c’est faire des martyrs, créer une tradition, accentuer une évolution qui se serait éteinte d’elle-même en face de la seule indifférence.

Sullivan ricana :

— Alors, à votre avis, il fallait laisser la Mestiza arriver tranquillement au gîte du Gorgerin d’alliance, il fallait…

— Il fallait réfléchir, interrompit sèchement le gouverneur. En réfléchissant, vous auriez reconnu la nécessité de permettre à la señorita Dolorès de continuer son voyage sans encombre, jusqu’à l’heure où des Indiens, ceux-là même qu’elle proclame ses amis, ses alliés, l’auraient massacrée avec sa suite pour la punir de leur avoir menti.

À cette singulière proposition, Joë ne trouva rien à répliquer, mais son regard, son geste interrogèrent.

— Vous ne semblez pas comprendre, expliqua le pasteur avec une imperceptible nuance de dédain, je vais tenter de vous rendre la chose tangible.

Et après un temps :

— Jadis, les Atzecs habitaient des territoires, dont la science n’a pu encore préciser l’emplacement, mais qui étaient situés à l’intérieur des pays occupés actuellement par les États-Unis. Cette contrée inconnue était désignée sous le nom de Tchicomoztoc ou des Sept Cavernes, et la nation se subdivisait en sept tribus : Yapica, Tiacochcalca, Huitznahuac, Cihuatepaneca, Tchalmeca, Tlacatecpneca et Izquiteca.

« Plus intelligentes, plus civilisées, comprenant bien que leur union était la garantie de leur force, ces sept tribus soumirent les nations comanche et apache, s’ouvrant ainsi un chemin vers le Mexique. Par le Rio Grande del Norte, des émigrants descen-