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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

l’homme qui, il y a vingt-cinq ans, reçut, à titre d’indemnité du gouvernement russe, les sommes léguées par mon père Dilevnor ?

Il prit un second papier :

— Cette fiche du consulat général de Grande-Bretagne, et pays anglais ne laisse aucun doute.

Et comme pour la première, il lut :

« Ézéchiel Topee, de Ladesbury (Sussex), débuta dans la carrière des consulats. Attaché à celui de Moscou, il obtint, à la suite d’une blessure grave, une forte indemnité de la Russie. Alors il donna sa démission, partit au Canada, où il se maria et se lança dans le business. Veuf, il augmente sans cesse son immense fortune pour sa fille Laura, son unique affection. Celle-ci est fiancée, en Amérique, au sieur Orsato Cavaragio, multi-milliardaire du sud des États-Unis ; c’est la pluie d’or. »

— C’est bien mon personnage, murmura le lecteur…, venu à Paris, pour assister au mariage de la richissime Ellen Paddock, amie de pension de miss Laura, avec le duc… décavé…, — ici Dodekhan marqua un sourire dédaigneux, — le duc de Bezons.

Après un silence, il reprit :

— Hier, à cette soirée du New-York Herald, j’ai pu approcher ce digne Topee. Adroitement je l’ai interrogé, pour savoir si, vu son énorme fortune, il serait homme à donner bénévolement deux ou trois millions aux héritiers de Mme d’Armaris, à ces héritiers qu’il a spoliés… sans le savoir et sans le vouloir… Je lui contai l’histoire avec d’autres noms et lui demandai quel devoir incombait au possesseur de la fortune. Sa réponse fut nette : Aucun, me dit-il, aucun ; les affaires sont les affaires. Une indemnité reçue, justement et régulièrement, ne saurait constituer un délit, et le fait de rembourser tendrait à faire croire que son acceptation fut délictueuse.

Le front du jeune homme se pencha.

— Au fond, il a raison. Il serait généreux peut-être de donner. — Que sont trois millions pour un milliardaire ?… Trois francs sur mille !… Mais la générosité est libre, absolument libre… — on ne saurait la contraindre.

D’un ton absorbé, il reprit :

— Kozets est à Tours ; il va rechercher la situation de la famille Prince, de cet Albert, pour qui j’ai promis d’être un frère. Il faut, c’est le vœu de la mourante, que mon… frère hérite d’elle… Il faut donc reprendre à Topee ce qui lui appartient bien légitimement, et cependant je ne dois pas lui faire tort…

Il leva ses yeux pensifs vers le ciel :

— Dire que je puis remuer des milliards !… Et je n’ai pas le droit d’en